La carte médicale n’avait pas choisi Marsac-en-Livradois pour recevoir une maison de santé. Pourtant, entre Ambert et Arlanc, le long de la départementale, le bourg accueille depuis toujours des médecins. C’est un des atouts de la seule commune de la vallée dont la population augmente.
« Marsac, ça bouge » dit le slogan. La commune n’attendra donc pas d’être choisie par les subventions pour construire une maison de santé, elle n’attendra pas non plus de voir partir à la retraite les médecins déjà en place. Elle lance donc une concertation auprès des professionnels de santé de la commune pour la construction d’un équipement public regroupant les services de santé. Il s’agit d’être attractif, de construire un lieu confortable, adapté, bien placé.
Les réponses vont au delà des espérances de la commune. Partant pour construire un ou deux locaux pour médecin, trois infirmiers associés, un nouveau médecin, deux kinés répondent finalement à la proposition et constituent le groupe de travail sur le projet. Toujours ambitieuse, la commune se laisse des possibilités d’évolution et ajoute au programme deux locaux dont un est aujourd’hui occupé par une sage-femme et l’autre le sera d’ici quelques mois par une jeune médecin. Il n’y a pas de fatalité au désert médical.
Le choix du site se porte sur une parcelle en dent creuse le long de la départementale traversant la vallée de la Dore, propriété communale restée vacante suite à la démolition de l’ancien hôtel Cartier. C’est un lieu central dans la commune dont la vocation publique est aujourd’hui renouvelée, l’aménagement devra faire le lien entre cette traverse très passante et le coeur du bourg comprenant les autres commerces et équipements.
Dans le même temps, l’épicerie Casino est à l’étroit. Le local est mal placé, déconnectée de la traverse, trop petit et le groupe s’interroge sur un possible déplacement. La commune voit donc l’occasion de regrouper ces deux fonctions très complémentaires dans le même lieu.
« après mon rdv chez le médecin, je vais faire les courses »
Si le programme prévoyait deux bâtiments séparés construits au RDC sur cette même parcelle, le projet prendra une autre tournure. Dans le contexte de la rue principale du bourg où les constructions sont à l’alignement et dont les hauteurs sont deux ou trois étages, il aurait été incongru de construire de plain-pied. Le respect des volumes de centre bourg, l’efficacité économique et thermique, conduisent à la superposition des fonctions : le commerce au RDC et les cabinets médicaux à l’étage. Ce type d’articulations, la superposition dans un bâtiment neuf de deux fonctions aussi différentes, fait la fierté d’autres régions rurales européennes comme le Vorarlberg et apparaît à Marsac comme un inédit régional.
Le volume simple superpose un niveau en bois au socle en pisé, le plan en L laissant un jardin et un parking à l’arrière et une petite place plantée, surlargeur de la traverse, devant le commerce et l’entrée des locaux de santé. Entre rue et jardin, le projet est marqué par l’opposition de registre entre les façades Est et Ouest. A l’arrière, posé sur le grand mur en pisé au dos du commerce, des cadres épais, massifs, en bois matérialisent des cadrages de vue sur l’église du village et les monts du Forez. Sur la place, la façade en bois est un ensemble de grandes traverses verticales et ajourées formant des filtres assurant l’équilibre entre intimité et lumière pour les salles d’attente.
Au nord, le projet vient s’adosser sur une maison voisine bâtie sur trois niveaux grâce à un volume surélevé, une grande fenêtre de toiture permettant de laisser rentrer la lumière dans le hall et le couloir de l’étage. Ce bandeau vitré, orienté au sud est protégé du soleil de l’été par un grand débord de toit mais laisse les rayons de l’hiver pénétrer largement et chauffer le mur en pisé intérieur construit sur trois étages. Le mur trombe, isolé de l’extérieur par un mur ossature bois, restitue la chaleur après les journées d’hiver ensoleillées et assure la fraicheur l’été.
A l’intérieur, le plan s’organise le long d’une galerie intérieure, la façade Ouest, ouverte sur les monts du Livradois qui dessert l’ensemble des cabinets de l’étage. Des surlargeurs du couloir, petites alcôves en bois tiennent le rôle de salle d’attente et de seuils d’entrée vers les cabinets. Le modèle des salles d’attente sombres, fermées où les patients se regardent dans le blanc des yeux est ici rejeté au profit d’espaces ouverts sur le paysage, confortables et lumineux. A l’intérieur des cabinets, le bureau du médecin est placé dans un cadre en bois projeté dans le paysage alors que la salle d’osculation est en retrait, protégé des vues extérieures.
Un des enjeux importants de l’aménagement des territoires ruraux est l’invention d’une architecture locale, caractéristique des lieux qui la portent, à l’opposé des constructions génériques qui uniformisent aujourd’hui de plus en plus les bourgs. Le projet s’inscrit dans ce mouvement par la mise en valeur des techniques de constructions et des matériaux locaux associée aux formes contemporaines.
Dans l’architecture vernaculaire du Livradois-Forez, le choix du mode de construction était assez simple : de la pierre disponible sur les côtes et du pisé dans la vallée. Comme Courpière ou Vertolaye, Marsac-en-Livradois est une commune marquée par les constructions de terre crue. Encore aujourd’hui, des murs de jardins, plusieurs bâtiments présentent des façades en terre crue non enduites.
Construire un équipement public en pisé est une manière de montrer l’actualité et la beauté de cette technique et d’inciter les propriétaires des nombreux ouvrages existants à les entretenir plutôt que de les remplacer par des parpaings ou du béton.
Emballé par le choix du pisé, le maitre d’ouvrage ne souhaitait pas pour autant renoncer à la performance énergétique de cet équipement. Or la terre crue est un piètre isolant – la résistance thermique d’une paroi de 50 cm ne respecte même pas le garde-fou de la RT 2005. Par contre, elle présente deux qualités majeures concourant au confort thermique : d’une part l’inertie comme toutes les matières minérales et ensuite elle assure l’équilibre hygrométrique entre l’intérieur et l’extérieur. Un mur en pisé absorbe environ 1% d’humidité l’hiver et le restitue à l’intérieur l’été lorsque le soleil tape depuis l’extérieur. C’est la spectaculaire fraicheur que l’on ressent dans les fermes en pisé l’été.
Une isolation classique avec pare-vapeur à l’intérieur serait donc une aberration puisqu’elle constituerait une barrière hygrométrique et conduirait à se priver des qualités d’inertie de la terre. L’isolation par l’extérieur et enduit rendrait le pisé invisible alors qu’il s’agit de mettre en valeur cette technique dans le bourg.
Nous avons donc fait le choix d’un double-mur (40 cm de pisé porteur de la dalle béton, 20 cm d’isolation en liège, 25 cm de pisé en façade extérieure). L’isolation en liège sert de coffrage perdu et imputrescible et présente un coefficient de transmission hygrométrique proche de celui du pisé.
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